Le rapport publié récemment par le gouvernement français, intitulé « Les Frères musulmans et islamisme politique en France », a suscité une attention et un suivi considérables à différents niveaux.

Le Conseil des Musulmans d’Europe (CME) exprime sa profonde inquiétude face au contenu trompeur de ce rapport, qui suscite la peur, la méfiance et les divisions au sein de nos sociétés. Il condamne fermement l’approche stigmatisante et diffamatoire qui vise de nombreuses institutions et associations musulmanes engagées dans divers domaines de la vie publique en France et en Europe, y compris le Conseil des Musulmans d’Europe lui-même, son organisation membre en France Musulmans de France (MF), ainsi que plusieurs institutions partenaires.

À la lumière de notre lecture du rapport dans le contexte européen, il apparaît qu’il s’inscrit dans la lignée d’autres rapports similaires publiés dans certains pays européens.

Dans ce cadre, le CME tient à souligner ce qui suit :

Sur le contexte général :

  • Le rapport s’appuie principalement sur des groupes de réflexion sécuritaires ou des lobbys conservateurs, sans contrebalancer avec des approches académiques critiques issues de la sociologie ou des sciences politiques. Cela conduit à un traitement sécuritaire de la question, comme en témoigne son examen dans le cadre du Conseil de défense nationale.
  • Le rapport accuse un ensemble d’institutions musulmanes de pratiquer une stratégie « d’entrisme » ou de « progression silencieuse », en reprenant les logiques attribuées aux Frères musulmans ou à l’islam politique. Or, ces mêmes institutions avaient été auparavant accusées de « séparatisme ». Il s’agit là d’accusations contradictoires. Que doivent donc faire ces institutions pour être considérées avec confiance et équité ?
  • Il existe une confusion manifeste entre plusieurs notions liées à l’islam en tant que religion et à certaines pratiques qui reflètent la spécificité de certains groupes ou courants. Cette confusion a des conséquences négatives sur la perception des musulmans et les interactions à leur égard. Cela se traduit par un discours politique et une couverture médiatique focalisés de manière excessive sur les questions islamiques, souvent en décalage avec la réalité vécue des fidèles, contribuant ainsi à leur stigmatisation et à leur exclusion.

En ce qui concerne le CME :

  • Le CME a toujours affirmé être une institution européenne indépendante, œuvrant dans l’espace européen et respectant les cadres juridiques et sociétaux en vigueur. Il n’a aucun lien organique ou administratif avec des partis ou des organisations situés en dehors du cadre européen – y compris les Frères musulmans dans les pays arabes, auxquels le rapport consacre une large part. Le CME rappelle également que l’islam est une religion partagée par près de deux milliards de personnes à travers le monde, dont les musulmans d’Europe.
  • Le rapport contient des informations erronées et trompeuses, notamment l’affirmation selon laquelle le président du CME, M. Abdallah Ben Mansour, représentait la région européenne au sein de la Choura de l´OIFM (Organisation Internationale des Frères musulmans) – une allégation totalement infondée. Le CME se réserve le droit de recourir à tous les moyens légitimes et appropriés pour répondre à ces fausses informations, susceptibles de porter atteinte à la réputation de personnes ou d’institutions.
  • Fidèle au principe de citoyenneté, le CME continue à encourager ses membres – individus et institutions – à participer de manière positive à la vie publique et à s’engager dans les affaires de la société. Ce n’est ni pour « islamiser la société » ni pour « en changer la nature », mais parce qu’ils en sont des citoyens à part entière, soucieux de son progrès, de sa sécurité et de sa stabilité.
  • Le CME appelle à l’ouverture d’un dialogue sociétal apaisé et approfondi, dans un esprit de recherche de l’intérêt général, de promotion du vivre-ensemble – qui est une valeur fondatrice de nos sociétés – et de respect de l’identité et de la pratique religieuse des musulmans. Le CME, ses institutions et ses responsables sont pleinement disposés à contribuer activement à un tel dialogue.

Conseil des Musulmans d’Europe
Bruxelles, le 25 mai 2025